Mon vieux lit en bois qui grince. Cette
chambre au carrelage froid. Un jour je m'y suis réveillé en pleine
nuit, complètement désorienté, incapable de me repérer dans
l'obscurité, cherchant à tâtons la lumière. Les murs paraissaient
se refermer sur moi et le moindre objet que je heurtais semblait
avoir été placé là dans le but de me piéger. Depuis, bien qu'elle me
soit familière et agréable, j'ai toujours regardé cette chambre
avec une pointe appréhension.
Cette nuit-là a été très
particulière. J'étais très jeune, moins de dix probablement. Je
dormais avec mon petit frère dans le lit superposé qui croassait
tel un corbeau malade. Dehors c'était l'orage et l'obscurité, le
froid et la pluie. J'entendais le tonnerre à travers les épais
volets de bois. C'est lui qui me réveilla au beau milieu de cette
nuit hostile. Je décidais de me rendre au toilette, je descendis
avec d'infinies précautions mon bruyant lit et me dirigeais vers la
porte, dans les ténèbres, les pieds engourdis par le froid du
carrelage.
Lorsque je l'atteins je sortis dans le
couloir, les yeux tournés vers la porte. C’était une porte de bois
et de verre épais. Elle avais l'air à la fois très robuste et
fragile, on voyait à travers mais les carreau rectangulaires
troublaient les silhouettes comme une émission télévisée cryptée.
Cette nuit là elle laissait passer les éclairs qui zébraient de
leur lueur froide les murs du couloir. Le tonnerre faisait parfois
vibrer les gonds de la porte.
J'allais détourner mon regard et me
diriger à l'opposé, vers la salle de bain, lorsqu'il se produisit
quelque chose de très étrange et un peu effrayant. Aujourd'hui
encore, avec le recul des années, je ne sais pas ce que j'ai vu ou
ce qui pourrait l'expliquer, et rejeter toute explication
irrationnelle ne m'en fournit pour autant aucune de convaincante.
Le tonnerre roulait encore de l'éclair
précédent lorsqu'un nouveau a violemment éclairé la porte vitrée.
C'est alors que je vis à travers celle-ci une forme étrange, en
ombre chinoise. On aurait dit un talus planté d'herbe folle, une
masse ronde et irrégulière hérissée de pointes souples, tels des
poils épais ou des tiges de plantes.
Cette image s'est imprimée
distinctement à travers la vitre sous mes yeux pétrifiés. Puis
l'obscurité a de nouveau envahi le couloir froid tandis qu'un
grondement saluait la foudre. Il ne fallut que quelques secondes pour
qu'un autre éclate, éclairant de nouveau la porte. Mais cette fois
il n'y avait rien, exactement comme il se devait.
Mon souvenir s'arrête ici et j'ai eu
beau le retourner dans tous les sens je n'ai jamais su ce que j'avais
vu.
Image tirée de la nouvelle A monster calls de Patrick Ness
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