mardi 1 janvier 2013

Le monstre de l'orage




Mon vieux lit en bois qui grince. Cette chambre au carrelage froid. Un jour je m'y suis réveillé en pleine nuit, complètement désorienté, incapable de me repérer dans l'obscurité, cherchant à tâtons la lumière. Les murs paraissaient se refermer sur moi et le moindre objet que je heurtais semblait avoir été placé là dans le but de me piéger. Depuis, bien qu'elle me soit familière et agréable, j'ai toujours regardé cette chambre avec une pointe appréhension.
Cette nuit-là a été très particulière. J'étais très jeune, moins de dix probablement. Je dormais avec mon petit frère dans le lit superposé qui croassait tel un corbeau malade. Dehors c'était l'orage et l'obscurité, le froid et la pluie. J'entendais le tonnerre à travers les épais volets de bois. C'est lui qui me réveilla au beau milieu de cette nuit hostile. Je décidais de me rendre au toilette, je descendis avec d'infinies précautions mon bruyant lit et me dirigeais vers la porte, dans les ténèbres, les pieds engourdis par le froid du carrelage.
Lorsque je l'atteins je sortis dans le couloir, les yeux tournés vers la porte. C’était une porte de bois et de verre épais. Elle avais l'air à la fois très robuste et fragile, on voyait à travers mais les carreau rectangulaires troublaient les silhouettes comme une émission télévisée cryptée. Cette nuit là elle laissait passer les éclairs qui zébraient de leur lueur froide les murs du couloir. Le tonnerre faisait parfois vibrer les gonds de la porte.
J'allais détourner mon regard et me diriger à l'opposé, vers la salle de bain, lorsqu'il se produisit quelque chose de très étrange et un peu effrayant. Aujourd'hui encore, avec le recul des années, je ne sais pas ce que j'ai vu ou ce qui pourrait l'expliquer, et rejeter toute explication irrationnelle ne m'en fournit pour autant aucune de convaincante.
Le tonnerre roulait encore de l'éclair précédent lorsqu'un nouveau a violemment éclairé la porte vitrée. C'est alors que je vis à travers celle-ci une forme étrange, en ombre chinoise. On aurait dit un talus planté d'herbe folle, une masse ronde et irrégulière hérissée de pointes souples, tels des poils épais ou des tiges de plantes.
Cette image s'est imprimée distinctement à travers la vitre sous mes yeux pétrifiés. Puis l'obscurité a de nouveau envahi le couloir froid tandis qu'un grondement saluait la foudre. Il ne fallut que quelques secondes pour qu'un autre éclate, éclairant de nouveau la porte. Mais cette fois il n'y avait rien, exactement comme il se devait.

Mon souvenir s'arrête ici et j'ai eu beau le retourner dans tous les sens je n'ai jamais su ce que j'avais vu.



Image tirée de la nouvelle A monster calls de Patrick Ness