jeudi 3 octobre 2013

Racines




Nos pensées sont bien construites, notre monde étayé par de solides preuves tangibles. L'année commence le premier janvier, on ne passe pas lorsque le feu est rouge, où que se pose le regard il y a une explication, une raison, une obligation, une interdiction, une information. Rien n'échappe à l'ordre, l'organisation qui jette une lumière crue sur notre environnement, une radiographie qui révèle le squelette, le fonctionnement intime de tout ce qui nous entoure. Et même lorsque nous ne pouvons savoir, on sait que l'explication existe.
Alors quel choc lorsque ces échafaudages volent en éclat, une altercation, une voiture qui en percute une autre, un accident domestique, une panne au milieu de nul part, la mort d'un de nos chers êtres... La vie parait soudain plus intense, plus fragile aussi, plus incertaine. Un inconnu qui menace votre intégrité physique, le sang qui coule de votre crâne fendu, votre cœur crispé sur ce câble dénudé, la main de l'ancien qui ne répond plus. Quels règles organisent tout cela ? Qui faut-il contacter pour arrêter hémorragie ? Rien, personne ne peut rien à cet instant, c'est la solitude, l'isolement dans un monde familier, le champ de vision se rétrécit, ma vie ou la sienne, ma vie ou la tienne ?
Enfoui dans nos mémoires, rampant dans les méandres de nos gènes, vit encore un lointain ancêtre, hagard, terrifié, il viens de voir un éclair de lumière s'abattre sur l'arbre qui allait lui servir de refuge à l'orage. Il s'arrête, essoufflé sous la pluie battante. Comme au ralenti il voit des morceaux de bois incandescent exploser en tous sens, quelques flammèches parviennent jusqu'à lui et s’étouffent dans les peaux détrempées qui le couvrent. Les oreilles sifflantes il voit l'arbre au tronc si solide perdre la moitié de sa hauteur dans une pluie de flammes.
Cette terreur muette, cette incompréhension, cette incapacité à réagir, nous la retrouvons dans ces moments là. Ces moments où tout notre savoir, nos biens, tout ce qui nous rassure et nous construit, ne servent à rien, ne changent rien. Que nous les comprenions ou pas, notre vie se trouve broyée par les épreuves, comme une vague fauche sans résistance des baigneurs. On les voit ensuite se relever, chancelant, tendant leurs corps et se préparant à stopper la prochaine vague qui les balayera de la même façon.
C'est cette petitesse, cette fragilité que notre mode de vie essaye d'occulter.





Image : tree_da_final by miguel santos

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